La ConIFA, qui réunit des minorités et des Etats non reconnus par la ­communauté internationale (ONU), a organisé, du 28 mai au 5 juin, son tournoi international de football. Un rendez-vous sportif et une tribune politique à la fois.

Médusés. Ces joueurs de foot n’avaient jamais vu ça. Plus un siège de libre dans les gradins, et les spectateurs continuent d’affluer par dizaines. Certains s’assoient sur les marches, les derniers arrivés se tiennent debout, épaule contre épaule. Et ils applaudissent à tout rompre devant ces drapeaux inconnus brandis au-¬dessus de la pelouse synthétique par des équipes venues du monde entier.

Ce soir-là, ce n’est pourtant pas l’Euro 2016 qui s’ouvre sous les yeux des 7 000 à 8 000 spectateurs présents. Mais le show est grandiose : dans un festival de son et lumière, des chorégraphies en cascade sont exécutées par des danseurs et des chanteurs en costume traditionnel, autour d’une scène en plein air investie par des musiciens impeccables. Cette cérémonie, qui s’achève par un feu d’artifice, est celle de la Coupe du monde de la ConIFA, la Confederation of Independent Football ¬Associations, créée en 2013.

Deux semaines avant les festivités parisiennes, elle a réuni douze équipes en ¬Abkhazie, sur les bords de la mer Noire, à quelque 145 kilomètres au sud-est de la ville russe de Sotchi, siège des Jeux olympiques d’hiver 2014. Une opportunité unique pour des minorités et une poignée d’Etats non reconnus par la FIFA ni par l’immense majorité de la communauté internationale de participer à une compétition internationale de football ; et d’offrir, dans le même temps, une tribune à leur cause souvent ignorée des médias.

Si ¬certaines équipes présentes tiennent d’un folklore régional plus ou moins mâtiné de séparatisme, à l’image de la Padanie, de la Rhétie, de la Laponie et du Pays sicule, d’autres, plus politisées, comme le Pendjab, le Somaliland, le Kurdistan irakien, l’Abkhazie, la République turque de Chypre du Nord et les îles Chagos témoignent de conflits gelés, ou encore d’exils forcés, à l’instar des Coréens unis du Japon ou de l’Arménie occidentale.

« Le sport est un autre moyen pour les gens de rêver, d’espérer. Nous œuvrons pour la reconnaissance de notre Etat et souhaitons, à travers cette compétition, offrir une bonne image de notre terre », a déclaré le président abkhaze, Raul Khadjimba, au début du tournoi. Les Abkhazes ont sorti le grand jeu.

Vingt-quatre ans après avoir fait sécession de la Géorgie par les armes, l’Abkhazie se développe sous la protection de la Russie, l’un des rares Etats à l’avoir reconnue, en 2008. Ce pays de 240 000 habitants taillé comme l’Aveyron a vu très grand pour cette compétition dont les enjeux de visibilité dépassent le simple cadre sportif.

Le budget déclaré, un demi-million de dollars (un peu plus de 400 000 d’euros), a été en partie compensé par la vente de places pour le stade flambant neuf de Soukhoumi, la capitale, et celui de Gagra, station balnéaire prisée des Russes. Le pays attend aussi des retombées à court et moyen termes – le tourisme est sa principale source de revenus.

En accueillant la ConIFA, il entend aussi démontrer son indépendance aux yeux du monde. Plusieurs dizaines de journalistes étrangers ont justement fait le déplacement. Un succès étonnant pour un événement presque passé inaperçu il y a deux ans, lors de la première édition du Mondial de la ConIFA, à Östersund, en Suède, y compris à l’intérieur du pays hôte.

 

 

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2016/06/10/en-abkhazie-le-mondial-alternatif_4946909_4500055.html#2SMXqqlV5mLmXwff.99