Le programme génocidaire des Jeunes-Turcs

 

Le 8ème Congrès du parti dashnak en Juillet 1914 se tient à Erzeroum. Le congrès fait une déclaration de loyauté à l’empire ottoman, mais refuse de former une légion de volontaires avec les Géorgiens et les Azéris.

Pourtant, un mois, après en août 1914, des membres éminents du parti comme Armen Garo Pasdermadjian rejoignent les groupes de volontaires arméniens en Russie. Au même moment l’organisation spéciale Tashkilat-i Mahsusa recréée dés 1911 reprend ses activités.

La bataille de Sarikamish – Le 2 janvier 1915, des combats acharnés entre les troupes turques et les troupes russes qui s’étaient déroulés depuis le 20 décembre autour de  Khorosan se poursuivit vers Sarikamish.

Le 3 janvier, la bataille redoublait de violence. Au nord les Russes reprenaient Ardahan, mettant sur ce point l’ennemi en déroute.

Le 04 janvier, s’affirmait la grande victoire qui dés la veille se dessinait. Fort de 30.000 hommes, le 9ème corps turc était anéanti, l’on capturait tous les survivants, y compris le commandant en chef , Iskkan pacha, et trois généraux de division avec leurs Etats-majors.

Les Russes poursuivaient le 10ème corps dont la débandade était commencée. Il ne leur échappait qu’en partie par une fuite éperdue  sur les hauts sommets séparant Sarikamish de Khorosan. Les Ottomans perdirent 50.000 hommes dans cette série de combat livrés depuis une vingtaine de jours.

Ce programme génocidaire des Jeunes-Turcs se composait de trois documents. Dans les trois documents, l’intention et les moyens de commettre le génocide étaient présents.

Le premier de ces documents représente les notations des résolutions faites pendant la rencontre secrète de quelques dirigeants de l’Empire ottoman, à l’époque de la Première Guerre Mondiale, sous la direction de Talaât, qui sont connues comme « les Dix Commandements ». Le public a appris leur existence en 1919, à partir des journaux arméniens de Constantinople qui avaient imprimé leur traduction.

Comme un document conservé dans les archives britanniques, c’est en effet après les combats de Sarikamish que s’est joué le sort du peuple arménien, au sein d’une réunion secrète entre Jeunes Turcs vers le début de Janvier 1915.

Les membres du parti « Union et Progrès »  présents  à cette réunion, Talaat, le Dr. Bhaeddin Chakir, Ismaël Djambolat, préfet de Constantinople, le Dr. Nazim,  le Colonel Seyfi, sous-directeur de la section politique au ministère de la Guerre et le Colonel Esad, secrétaire de la réunion, qui documenta les résolutions, adoptèrent un texte comportant Dix Commandements.

Ces documents ne sont pas datés.

L’officier anglais, qui a remis ce document, l’a daté à peu près au mois de décembre 1914 ou janvier 1915. A présent, à l’aide des faits, on peut constater que cette date est acceptable, car en février, il y eu des signes prouvant que les articles de ce programme commençaient à se réaliser. Ainsi par exemple, le lieutenant-colonel allemand bien informé Stange annonçait que le 10 février « pour des causes politiques » ont été tués le sous-directeur arménien de la banque ottomane et à peu près les mêmes jours, l’évêque arménien d’Erzindjan.

Quelques jours après, ont commencé le renvoi des fonctionnaires arméniens d’Etat de leurs postes, le désarmement des soldats arméniens de l’armée ottomane et l’arrestation des officiers.

Selon quelques spécialistes, le Comité Central des Jeunes-turcs a pris sa décision définitive de commencer le massacre massif des Arméniens à la moitié du même mois (février) de 1915.

La lettre du Comité Central du parti des Jeunes-turcs, adressée à Djemal, qui était le représentant responsable du Comité Central dans le vilayet d’Adana, est écrite le 18 février 1915 et confirme d’une manière indirecte, cette hypothèse ; car ici il est noté qu’on avait pris une décision de massacrer impitoyablement tous les Arméniens et les ordres concernant cela seraient bientôt envoyés par le gouvernement aux gouverneurs généraux des provinces et aux commandants de l’armée.

Ainsi, on peut conclure que les « Dix Commandements » représentent la phase préliminaire de la décision définitive de la préparation du génocide des Arméniens ; car il s’appuie sur un programme intégral et coordonne des actes et des mesures pour la réalisation d’actions concrètes.

 

LES DIX COMMANDEMENTS

 

1 – En s’autorisant des articles 3 et 4 du Comité Union et Progrès, interdire toutes les associations arméniennes, arrêter ceux des Arméniens qui ont, à quelques moments que ce soit, travaillé contre le gouvernement, les reléguer dans les provinces, comme Bagdad ou Mossoul, et les éliminer en route ou à destination.

2 – Confisquer les armes.

 3 – Exciter l’opinion musulmane par des moyens appropriés et adaptés dans des districts comme Van, Erzeroum ou Adana où il est de fait que les Arméniens se sont déjà acquis la haine des musulmans, et provoquer des massacres organisés, comme firent les Russes à Bakou.

 4 – S’en remettre pour se faire à la population dans les provinces comme Erzeroum, Van, Mamouret-ul Aziz et Bitlis et n’y utiliser les forces militaires de l’ordre (comme la gendarmerie) qu’ostensiblement pour arrêter les massacres; faire au contraire intervenir ces même forces pour aider activement les musulmans dans ces circonscriptions comme Adana, Sivas, Brousse, Ismid et Smyrne.

 5 – Prendre des mesures pour exterminer tous les mâles au-dessous de 50 ans, les prêtres et les maîtres d’école; permettre la conversion à l’Islam des jeunes filles et jeunes enfants.

 6 – Déporter les familles de ceux qui auraient réussi à s’échapper et faire en sorte de les couper de tout lien avec leur pays natal.

 7 – En alléguant que les fonctionnaires arméniens peuvent être des espions, les révoquer et les exclure absolument de tout poste ou service relevant de l’administration de l’État.

 8 – Faire exterminer tous les Arméniens qui se trouvent dans l’Armée de la façon qui conviendra, ceci devant être confié aux militaires.

 9 – Démarrer l’opération partout au même instant afin de ne pas laisser le temps de prendre des mesures défensives.

 10 – Veiller à la nature strictement confidentielle de ces instructions qui ne doivent pas être connues par plus de deux ou trois personnes.

 En général, les criminels tâchent de dissimuler les traces de leurs crimes. Les autorités de l’Empire ottoman ont adopté une Loi, qui avait pour but de servir comme voile « loyal » pour camoufler le génocide : c’est-à-dire l’élimination massive intentionnelle du peuple arménien. Mais, ils n’ont pas tenu compte du fait que l’acte de génocide même et les documents officiels qui existent, prouvent l’existence de leurs programmes criminels.

Ainsi, la Loi précitée est devenue l’une des plus cruelles et des plus sanglantes lois existantes dans l’histoire de l’Humanité. Dans la littérature spéciale consacrée à l’étude de l’histoire du génocide des Arméniens, elle est souvent citée comme « la Loi sur la déportation».

L’histoire de l’adoption de cette Loi est la suivante:

Le 24 mai 1915, les trois Etats de l’Entente, Pacte Atlantique Nord, la Russie, la Grande-Bretagne et la France ont fait une déclaration commune où en condamnant sévèrement les massacres massifs des Arméniens et en les qualifiant comme « un nouveau crime de la Turquie contre l’Humanité et la Civilisation » et ils ont souligné que seront reconnus comme personnellement responsables les membres du gouvernement ottoman. Le jour même, le texte français fut remis à l’agence télégraphique « Havas » par le Ministère des Affaires Etrangères de France et fut envoyé à Constantinople et à Berlin.

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Déclaration de la Triple-Entente du 24 mai 1915

 (source : RDIP/Agence Havas)

 France, Grande-Bretagne et Russie. –  Déclaration de la Triple-Entente tenant pour responsable le gouvernement turc des massacres commis par la Turquie en Arménie, en date du 24 mai 1915.

 Depuis un mois environ, la population kurde et turque de l’Arménie procède  de connivence et souvent avec l’aide des autorités ottomanes, à des massacres des Arméniens. De tels massacres ont eu lieu vers la mi-avril (nouveau style) à Erzeroum, Dertchun, Eguine, Akn, Bitlis, Mouch, Sassoun, Zeitoun, et dans toute la Cilicie : les habitants d’une centaine de villages aux environs de Van ont été tous assassinés ; dans la ville même, le quartier arménien est assiégé par les Kurdes, en même temps à Constantinople, le gouvernement ottoman sévit contre la population arménienne inoffensive.

 En présence de ces nouveaux crimes contre l’Humanité et la Civilisation, les gouvernements alliés font savoir publiquement à la Sublime-Porte qu’ils tiendront personnellement responsable des dits crimes tous les membres du gouvernement ottoman ainsi que ceux de ses agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres.

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La présentation officielle de la déclaration au gouvernement ottoman fut réalisée par un tiers, car les rapports diplomatiques entre la Turquie et les trois pays de l’Entente n’existaient pas. Les possibilités de suivre cette procédure sont relativement compliquées. Tout d’abord, la copie du document fut envoyée via l’Ambassadeur des Etats-Unis à Paris W. Sharp au secrétaire d’Etat W. Bryan à Washington, par la demande du Ministre des Affaires Etrangères Delcassé. Il put l’obtenir le 28 mai 1915.

 Un jour après, le 29 mai, il put l’envoyer par télégramme à Constantinople, à l’Ambassadeur des Etats-Unis, H. Morgenthau, qui remit la déclaration au Sadrazam Saïd Halim Pacha.

C’est par l’initiative de Talaât, que les dirigeants turcs ont vite adopté une série de décisions, qui en l’espace d’une semaine ont abouti à la publication d’une « Loi sur la Déportation ».

Les documents publiés en Turquie, attestent qu’un jour après la publication de la déclaration, le 25 mai, le haut commandement de l’armée s’est adressé au Ministère des Affaires Intérieures en proposant de commencer la déportation des Arméniens « des vilayets de l’Est et des régions semblables où il y a de nombreuses populations arméniennes ».

Les autorités étaient tellement paniquées qu’elles ont violé l’ordre de la procédure d’application des Lois. Sans convenir d’une séance du gouvernement, sans débattre du rapport de Talaât et sans prendre de décision du gouvernement correspondant, il a été adopté à la hâte le lendemain du 27 mai, publiée et immédiatement adoptée le 1er juin « une Loi provisoire concernant les moyens militaires à utiliser contre ceux qui s’opposeraient à l’activité du gouvernement, pendant la guerre, signée par le Sultan et le Ministre de la Guerre Enver ».

Elle a été également connue comme « la Loi de sur la Déportation ».

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Loi sur la Déportation des Arméniens du 27 mai 1915

Article 1. Durant la guerre, l’armée, les troupes et les commandants de division ainsi que leurs adjoints, les commandants des positions de combat, en voyant toute opposition manifeste de la population contre les ordonnances gouvernementales, et les actions concernant les mesures pour assurer la défense et le calme dans le pays, ainsi que toute tentative d’agression armée et de résistance, sont autorisés et obligés d’y mettre fin immédiatement, par la force des armes et plus rigoureusement, les ramener à l’esprit afin de détruire toute agression et résistance.

Article 2. Les Commandants des armées et des troupes individuelles et les divisions, basées sur des lois spéciales militaires, en cas de soupçons d’espionnage ou de trahison, peuvent envoyer les habitants des villages ou des cantons, seuls ou massivement, dans d’autres lieux d’habitation et les réinstaller.

Article 3. Cette Loi est promulguée à compter de sa date de publication.

Article 4. La personne responsable de la mise en œuvre des dispositions de la Loi est le Commandant adjoint en chef du Ministre de la Guerre.

J’ai daigné ordonner que, dans le but d’assurer la légalité, le texte de cette Loi soit présentée à la session de l’Assemblée Générale, et sera adopté à titre temporaire et ajouté aux Lois du pouvoir d’Etat.

13 Redjep 1333, 14 mai 1331

Rechad

Grand Vizir Mehmed Saïd, Commandant adjoint en chef du Ministre de la Guerre Enver.

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Ainsi, le plan d’extermination a débuté sous le règne du Sultan Abdul Hamid II de 1894 à 1896, et s’est poursuivi par les massacres de Cilicie en 1909, dont le paroxysme fut la période de 1915 à 1923, accomplissant ainsi par le Traité de Lausanne, l’acte final de l’extermination de la nation arménienne en Arménie Occidentale.

Réduire artificiellement, le plan d’extermination à 1915, revient à dénaturer non seulement l’Histoire des Arméniens, mais aussi l’Histoire des autres nations, rappelant ici que de nouveaux crimes contre l’Humanité et la civilisation en direction de la nation arménienne ont été dénoncés officiellement par la Triple Entente, France, Grande-Bretagne et Russie, le 24 mai 1915 :

Prétendre, comme veut bien nous le faire croire certains universitaires, comme par exemple M. Jean Baptiste Racine, professeur de droit, dans son dernier « essai » consacré au Génocide des Arméniens, que les Arméniens n’auraient dans le meilleur des cas uniquement droit à une reconnaissance morale de la part d’un « Etat Turc », si toutefois il le voulait bien, est une gifle pour ne pas dire plus à l’ensemble de la nation arménienne, dans son combat pour que « justice soit faite ».

Prétendre aussi que la justice ne pourrait avoir qu’une dimension individuelle ou cultuelle sans tenir commpte des droits collectifs de la nation arménienne, des reconnaissances, des traités et des sentences exécutables c’est prétendre que la nation arménienne n’a pas conscience de ses droits imprescriptibles.

Vouloir faire croire, comme un certain Ara Papian, ancien Ambassadeur de la république d’Arménie que seul la République d’Arménie constituée en 1990 serait légitime pour l’application des droits de la nation arménienne victime du génocide de 1894 à 1923 en Arménie Occidentale, c’est de l’appropriation illicite des droits des Etats en direction d’un Etat tier, puisque l’etat d’Arménie Occidentale a obtenu toutes les reconnaissances nécessaires en 1920 au titre de l’intervention d’Humanité des Puissances occidentales.

Arménag APrahamian

Président du Conseil National d’Arménie occidentale

stat.gov.wa@haybachdban.org

 

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