
Conférence du 28 septembre 2022 – Erevan – Les défis de l’Arménie Occidentale
En quoi consiste la défense des intérêts nationaux ?
Par Lydia Margossian
Monsieur le Président de la République,
Madame la Première Ministre,
Madame la Présidente du Parlement
Mesdames et Messieurs les Députés de la République d’Arménie Occidentale,
Chers compatriotes et chers amis,
Je voudrais tout d’abord saluer l’initiative prise par le Parlement de l’Arménie Occidentale d’organiser ce cycle de conférences et remercier Mme la Présidente Nelly Haroutounyan.
Saluer et remercier l’ensemble des Députés et en particulier les Députés venant d’Arménie Occidentale pour leur présence parmi nous.
Ce qui nous rassemble aujourd’hui est notre attachement à la justice qui doit être rendue à l’Arménie, à cette terre imbibée du sang de nos martyrs et dont on a voulu nous extirper, nous déraciner, nous le peuple autochtone ancien de 10 000 ans.
Les maux de l’Artsakh et ceux plus récents de la République d’Arménie orientale ne sont autres que la continuation des maux subis par l’Arménie sur le territoire de l’Arménie Occidentale.
Cette Arménie avait pourtant reçu toutes les reconnaissances internationales en 1920 mais la question de son occupation illégale en droit international fut ignorée comme fut ignorée la souffrance du peuple arménien oppressée par les forces occupantes.
100 ans de solitude, de silence et d’une politique délibérée visant à instiller la peste de l’oubli frappèrent l’Arménie Occidentale.
Il fallut attendre 100 ans en 2020 pour que la question de l’occupation réapparaisse dans le vocable à l’aune de l’envahissement des trois-quarts du territoire de l’Artsakh.
100 ans pour que les dangers qui pèsent actuellement sur la République d’Arménie orientale fassent écho à ceux de l’Arménie Occidentale.
Le corps de toute une nation, fut laissé pour compte, abandonnée, discriminée et insultée sans pressentir que la gangrène de l’anéantissement de l’Arménie de 1920 dont l’Arménie Occidentale est l’Etat continuateur, allait bientôt atteindre d’autres membres de son corps que sont l’Artsakh, le Nakhitchevan et la République d’Arménie orientale elle-même.
Car hier comme aujourd’hui et sans discontinuité, c’est à « une guerre d’extermination » comme l’avait qualifié de manière prémonitoire le Député français Jean Jaurès, à laquelle la nation arménienne est confrontée par vagues successives.
La discrimination à l’encontre des Arméniens d’Arménie Occidentale fut et représente une entreprise hautement criminelle dont les conséquences sont devant nous.
Le paroxysme de la discrimination et de la négation des droits légitimes de la nation arménienne fut atteint par la résolution du Parlement européen de juin 1987, humiliant la nation arménienne sur un lot d’articles honteux niant tout droit à la terre aux descendants des rescapés du génocide et les reléguant au statut de minorités en « Turquie » alors qu’ils représentent un peuple autochtone en Arménie Occidentale.
Cette entreprise scélérate orchestrant la négation des droits des Arméniens d’Arménie Occidentale visait également à reléguer ces droits au rang d’une affaire classée dont seuls d’utopiques rêveurs s’employaient.
I – La dignité de tout peuple passe par sa capacité à l’autodétermination
Face à cette situation, la question de la reconstitution nationale conformément au principe du droit à l’autodétermination pour mettre en œuvre les intérêts nationaux fondamentaux de la nation arménienne représente un impératif vital.
Qu’est-ce que le droit à l’autodétermination sinon la définition de ce que nous voulons pour nous-même et l’expression de notre dignité.
Ce principe du droit à l’autodétermination s’est formalisé au niveau collectif par le Conseil National d’Arménie Occidentale et par la structure d’Etat de l’Arménie Occidentale.
Depuis des décennies et conformément aux intérêts fondamentaux de la nation, le Conseil National d’Arménie Occidentale œuvre à l’avant-garde politique et soulève devant les instances internationales, la question de l’occupation de l’Arménie Occidentale, de l’oppression de sa population et la violation du droit international.
Il est à souligner que dans l’application du droit à l’autodétermination, la nation arménienne a valeur d’exemple pour les peuples qui, souhaitant s’affranchir du joug qu’ils subissent, observent avec intérêt notre devenir.
En effet, sur la base entre autres de la reconnaissance internationale de l’Etat arménien en 1920 et de la sentence arbitrale du Président Woodrow Wilson, le paquet juridique obtenu en son temps par la Délégation nationale arménienne conduite par son Excellence Boghos Nubar est sans précédent dans l’histoire de l’humanité pour une nation autochtone.
Il fallut attendre près de 100 ans pour que la nation arménienne mise à genoux après avoir subi le crime des crimes puissent bâtir la structure d’Etat nécessaire à la poursuite de ses droits et mettre en œuvre l’ensemble des mécanismes de sa reconstitution nationale.
C’est précisément dans ce cadre que la Délégation du Conseil National d’Arménie Occidentale s’est exprimée lors de la dernière session du Mécanisme d’Experts des peuples autochtones en juillet dernier au Palais des Nations rappelant que la nation arménienne faisait partie des Etats qui furent à l’origine de l’existence des autres structures d’Etat à travers le monde aujourd’hui siégeant au sein de l’ONU.
Les guerres menées aujourd’hui à l’encontre des populations arméniennes n’ont en réalité d’autres visées que celui d’empêcher l’expression de ce droit à l’autodétermination et donc de notre dignité à travers la constitution de l’Etat arménien dans l’entièreté de ses territoires reconnu en 1920.
Considérant en effet qu’un des éléments constitutifs d’un Etat est sa population, les gouvernements turcs et azéris recourent à des programmes d’anéantissement par vagues successives des populations autochtones arméniennes qui ont débuté en 1894 et se poursuivent aujourd’hui contre la population autochtone en Artsakh.
Considérant qu’un des éléments constitutifs d’un Etat est son territoire, les gouvernements turcs occupent de manière illégale en droit international et depuis 102 ans le territoire de la nation arménienne. Sur le même principe, l’occupation des territoires de l’Artsakh partie intégrante de l’Arménie Occidentale et ceux de la République d’Arménie Orientale n’a d’autre objectif que d’empêcher la constitution de cet Etat arménien de 1920.
Il est dès lors aisé de comprendre que la racine du calvaire arménien en Artsakh et en République arménienne orientale prend sa source dans la non-application non seulement des droits des Arméniens d’Arménie Occidentale mais aussi dans l’absence d’une justice réparatrice.
II-De l’application pleine et entière du Traité de Sèvres
Les assauts de la Turquie et de l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh et la République d’Arménie orientale ne sont autres que de vaines tentatives pour éradiquer ce que Sèvres a déjà consacré pour l’Arménie de 1920.
Dans ce contexte, aucune résolution de paix pérenne ne pourra être trouvée pour l’Artsakh, pour la République d’Arménie orientale et pour l’Arménie dans le cadre de l’entièreté de ses territoires, sans tenir compte des droits internationalement obtenus par l’Arménie de 1920 à savoir l’Arménie Occidentale.
C’est la raison pour laquelle les intérêts fondamentaux de la nation passent par l’application pleine et entière de l’ensemble des dispositions en vigueur dans le Traité de Sèvres et en particulier de l’article 92 dudit Traité afférent à la définition des frontières orientales de l’Arménie qui reste pendante et qui explique les guerres d’agression de l’Azerbaïdjan par le recours à la force et aux crimes au détriment de la voix diplomatique.
Le principe qui a guidé à la rédaction du Traité de Sèvres s’est conformé au principe de l’indépendance et de la souveraineté des nations et a valeur d’exemplarité tout comme la Charte des Nations-Unies qui a été acceptée et partagée par ses signataires.
Or, aucun autre traité de droit international ne pourra supplanter ce qui a été déjà accordé à l’Arménie par Sèvres. Nier notre volonté d’appliquer Sèvres et les mécanismes de réparations y afférentes ainsi que la sentence arbitrale, revient à nier notre humanité.
Dans ce cadre, la défense des intérêts fondamentaux de la nation suppose l’application pleine et entière de ce Traité pour le chapitre arménien comme il l’a été pour tous les autres chapitres à l’endroit des Etats concernés ainsi que dans l’intégration conséquente de l’Arménie Occidentale au sein du groupe du Minsk et des instances internationales.
III -De la souveraineté de l’Arménie Occidentale
Toute résolution afférente en particulier à l’Artsakh ne peut être appréhendée sans la prise en compte du droit international.
Les conditions de paix doivent respecter le principe de souveraineté de l’Arménie Occidentale considérant le fait que l’Artsakh fait partie intégrante de l’Etat arménien, conditions sans lesquelles aucun règlement final global et durable ne pourra s’établir.
L’Arménie Occidentale sera par ailleurs garante de la stabilité et de la paix mondiale conformément aux articles de la Charte des Nations Unies et conformément à son statut de neutralité positive, armée et permanente établi par décision de son Gouvernement en date du 29 mars 2011.
Dans cette perspective, l’Arménie Occidentale exprime aussi sa profonde indignation quant au fait que la guerre d’agression de 2020 menée par l’Azerbaïdjan sous couvert de son allié turc contre la population arménienne autochtone de l’Artsakh n’ait fait l’objet d’aucune condamnation formelle et solennelle de la part des Nations-Unies dont les articles ont été bafoués ni qu’aucune condamnation n’ait été émise au regard des opérations militaires effectuées sur son territoire dans les régions de Vartenis et du Syunik déclenchées le 13 septembre 2022.
Les populations civiles déplacées par ces opérations militaires n’ont elles-mêmes fait l’objet d’aucun statut au niveau international et c’est la raison pour laquelle, l’Arménie Occidentale, dans le souci de protection des populations civiles de l’Artsakh, a déposé une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, requête qui a été acceptée.
IV- Le réveil de la conscience humaine
La défense des intérêts de la nation arménienne dépendra également et en tous les cas de sa population qui n’admettra plus son statut d’opprimé à savoir qui ne permettra plus la seule condamnation de l’oppresseur se dédouanant de fait tout travail de reconstitution nationale et qui dans cette perspective ne supportera plus son infantilisation et la négation de son pouvoir à l’autodétermination, qui ne cautionnera plus ces pseudo-intellectuels de salon confortablement installés en victimes de l’oppression occupés dans de futiles verbiages préconisant la disparition de l’Arménie et s’arrogeant un gage moral pour ne pas avoir à porter le poids de la responsabilisation de la reconstitution nationale.
Une population conscientisée qui ne servira plus les partis politiques œuvrant à la division de la nation et qui ne se perdra plus dans les divertissements orchestrés en vue de la manipuler
En somme, qui ne consentira plus à sa soumission.
Uniquement animée par la question de la libération nationale, notre population se prendra en charge et elle rejoindra le flux grandissant des citoyens de l’Arménie Occidentale.
Elle repoussera le vocable de minorités pour témoigner de son statut de nation autochtone,
Elle s’érigera dans ce qu’elle veut qu’elle soit c’est-à-dire dans cette liberté qui ne pourra advenir sans la volonté qui se fonde sur la connaissance de son histoire.
V -L’œuvre de mémoire
Je veux saluer toutes les personnalités qui se sont inscrites en leur temps au-devant de cette cause universelle dans le réveil de la conscience humaine pour l’application des droits de la nation arménienne comme l’ont été ces intellectuels et élus de la nation française provenant de tout le prisme de l’échiquier politique qui ont fait l’honneur de la France dans le cadre du mouvement arménophile.
Je souhaite remercier aujourd’hui toutes les personnalités qui se tiennent aux côtés de l’Arménie Occidentale dans l’œuvre de mémoire et de reconstitution de notre nation.
Je veux en particulier adresser mes plus vifs remerciements aux Elus de la nation française et des autres nations dans l’honneur rendu aux fils de l’Arménie Occidentale qui s’illustrèrent pour leur bravoure durant la Première et la Seconde guerre mondiale dans le cadre de l’agenda des cérémonies patriotiques.
En ce sens, le devoir de mémoire porté avec passion et détermination par M. Vrej Aprahaminan, Président de l’Association Nationale des Anciens Combattants Arméniens et Sympathisants est un phare qui rayonne désormais non seulement en France mais à travers le monde.
A ce titre, je souhaite vous annoncer la tenue des Etats Généraux des Anciens combattants arméniens dans le cadre du 104IèME anniversaire de l’armistice de Moudros qui se tiendra ce 30 octobre à Antibes en France.
VI- L’engagement des Etats signataires
La Charte des Nations-Unis, la Déclaration sur les Droits des peuples autochtones et l’ensemble du corpus relevant du droit international sont le résultat d’un contrat qui engagent les Etats signataires.
Ces pactes ont été conclus pour sortir de la situation de guerre de tous contre tous dans une prise de conscience présupposant la bonne foi des Etats.
La morale inhérente à ces textes est régie par la notion de dignité qui doit structurer la posture des nations.Dans ce cadre, l’Arménie Occidentale demande aux Nations éprises de liberté et de justice de se tenir à ses côtés pour venger l’offense qui est faite à l’humanité face à l’immoralité de la Turquie et de l’Azerbaïdjan, de fait exclus du cercle de l’humanité, par leur ferme condamnation et la mise au ban de l’Organisation des Nations-Unies en leur enlevant le titre de membre de cette organisation internationale.
Le monde a une obligation morale et historique de rendre exécutoire la reconnaissance de l’Etat arménien de 1920 et de l’accompagner dans la défense de ses frontières établies.
Vive l’Arménie Occidentale libre, souveraine et indépendante.
Je vous remercie.