« A Trapizond, les enfants arméniens ont été transportés et jetés à la mer comme des déchets. A Van et à Diyarbekir, les parents ont été forcés de percer de grands trous et d’y enterrer leurs propres enfants, vivants… Les puits d’eau étaient déjà pleins de cadavres… Les rivières transportaient des corps mutilés… et là je m’arrête… j’ai une boule dans la gorge… ». Que le monde civilisé sache, au cas où il ne le saurait pas ou qu’il errerait comme d’habitude dans le flou, qu’il s’agit là du préambule du génocide perpétré contre notre nation arménienne par la Turquie !

 Ce qui précède n’était qu’un échantillon de l’œuvre dantesque de ceux qui prétendent aujourd’hui être les égaux des Européens, une nation intruse, issue des Tartares et des Mongols, qui, grâce à sa force numérique et à sa sauvagerie innée, s’est emparée de pays étrangers, tombant comme des sauterelles balayées par un balai, assassinant leurs habitants par poignées afin de s’y implanter.

Mais qu’y a-t-il de si étrange dans tout cela ? Ne nous égarons pas trop.

 Les Anglo-Saxons ont volé une grande partie de l’Amérique du Nord aux Indiens mal nommés et se la sont appropriée. Faute de main-d’œuvre bon marché pour l’expansion de leurs intérêts économiques, ils ont importé des Chinois pour les chemins de fer et des esclaves noirs d’Afrique pour faire tourner leurs plantations. Au sud du continent, ce sont les Espagnols et les Portugais qui ont décimé la population et pris possession de la terre, un continent que les indigènes appelaient « Entouré d’eaux » et puis, puis… les pirates de Sa Majesté, qui ne manquent jamais de faire parler d’eux, se sont emparés des îles Malouines et les ont baptisées de noms impropres. Et elles y sont restées, grâce à leur héroïne « Sa Grande Dame de Fer » qui a du whisky écossais dans les veines. En d’autres termes, le monde risque d’être envahi comme d’habitude par des opportunistes et des pharisiens, aujourd’hui, demain ou après-demain et chacun pour soi.

 Certaines nations progressistes ont préféré thésauriser les richesses de leurs colonies et se retirer à temps, en les laissant, bien sûr, dans la misère. D’autres ont été expulsées la queue entre les jambes.

Et nous, nous… les Arméniens, tout cela nous touche de très près à cause de ceux qui nous ont déjà reconnus, du haut de leur état sauvage et de leur langue guindée, comme « Ermeni » et le pays comme « Ermenistan », le pays des Arméniens. Et c’est ce que je souhaite souligner : Si nos terres ont été reconnues par les envahisseurs comme appartenant au peuple arménien, il est plus que ridicule de nier notre existence millénaire sur le terrain. Quelqu’un a dit : « Vous pouvez tuer mon corps, mais pas ma volonté… ».

Et nous voilà, nous, une fois de plus, debout, réclamant ce qui nous appartient à un peuple qui a non seulement volé toutes nos richesses, détruit une grande partie de nos vestiges historiques, éliminé notre intellectualité, mais qui a aussi tenté d’effacer notre identité.

Ce beau peuple qui sourit aujourd’hui à l’Occident en cachant ses crocs, a massacré il y a des années un million et demi de nos frères et sœurs.

Cent huit ans à peine se sont écoulés, mais en nous, petits-enfants des survivants du génocide, bien que cela paraisse étrange, les gémissements désespérés de ces enfants enterrés vivants, les cris de ceux qui ont été jetés à l’eau jusqu’à ce qu’ils se noient, résonnent à nos oreilles. Nous entendons les pleurs émouvants des mères et les cris de ceux qui ont assassiné nos proches sans ménagement ni pitié.

« Qui tue par le fer, meurt par le fer » !

La Turquie ne doit pas dormir en paix tant qu’il y aura un Arménien éveillé ! Et Asdvatz Menz-e ! Ils peuvent détruire toutes sortes de vestiges qui font de nous les maîtres absolus de l’Arménie millénaire, mais ils ne peuvent pas effacer le sang versé par nos martyrs sur leur sol, ni dépouiller la terre des ossements de nos ancêtres. Que la Turquie comprenne que nous, la diaspora, sommes la résurrection de nos martyrs et qu’elle a un compte à régler avec nous, en suspens depuis des années !

Chaque chose vient en son temps, même si ce n’est pas de la manière prévue.

Raymond Rupén Berberian

Citoyen d’Arménie occidentale