
Bonjour,
A la veille du Centenaire du Traité de Lausanne, anniversaire d’un rendu statutaire juridiquement nul et non avenu, la situation en Asie Mineure et au Moyen Orient est au bord d’un bouleversement.
Il est vrai que dans des sites sur internet, sur des plateformes d’études historiques, sur l’avis même d’historiens voire dans la propagande à grande échelle, le Traité de Lausanne aurait remplacé le Traité de Sèvres.
Cette question n’est pas seulement une question historique ou de propagande, elle est également une question juridique.
Le Traité de Lausanne peut-il juridiquement remplacer le Traité de Sèvres ?
Le gouvernement d’Arménie Occidentale a débuté sa formation le 11 janvier 1918 (29 décembre 1917), et parallèlement à la libération de la Cilicie, lorsque Vahan Avanesov, Prosh Proshian et Vahan Térian après avoir une nouvelle fois rencontré Lénine ont appelé Stepan Shahumian pour former le premier gouvernement de l’Arménie Occidentale dite turque.
De l’Armistice de Yerzinca (18 décembre 1917) puis de l’Armistice de Moudros (30 octobre 1918) à la Sentence arbitrale du 28ième Président des Etats-Unis Woodrow Wilson (22 novembre 1920) la question de l’indépendance de l’Arménie devient une question de droit international.
Après que Boghos Nubar Pacha a présenté un Mémorandum le 26 février 1919 à la Conférence de la Paix de Versailles puis constitué un gouvernement le 15 mai 1919, il a obtenu une reconnaissance officielle de facto le 19 janvier 1920 par le Conseil suprême des alliés, reconnaissance obtenue également par les efforts de Boghos Nubar Pacha suite à la formation du gouvernement de l’Arménie intégrale, le 15 mai 1919.
Le gouvernement d’Arménie Occidentale aujourd’hui, continuation de l’État d’Arménie reconnu en 1920, qui a obtenu son indépendance de la Russie le 11 janvier 1918 (29 décembre 1917).
L’Arménie sur le territoire de l’Arménie Occidentale a ensuite été reconnue internationalement de facto le 19 janvier 1920, dans les termes suivants :
Sur la base de cette formation gouvernementale, le 27 janvier 1920, le Secrétariat général de la Conférence de la Paix avisa le Président de la Délégation Nationale Arménienne que, dans sa séance du 19 janvier 1920, le Conseil suprême avait pris les deux décisions suivantes:
« 1° Que le gouvernement de l’État arménien sera reconnu comme gouvernement de fait » ;
« 2° Que cette reconnaissance ne préjuge pas la question des frontières éventuelles de cet État».
L’Artsakh, le Nakhitchevan, le Djavakhk, l’actuelle République arménienne du Caucase, la Cilicie et bien entendu l’Arménie Occidentale faisaient partie de l’État d’Arménie.
Après que l’Arménie a été reconnue de facto le 19 janvier 1920, l’Arménie (à partir de l’Arménie Occidentale) est reconnue de jure le 11 mai 1920 y compris par les Etats-Unis.
Il est décidé que la capitale de l’Etat arménien sera Erzeroum (Karin).
Le Conseil suprême transmet le Traité de Sèvres pour signature à la Turquie qui a un mois pour émettre ses contre-propositions.
Après la présentation d’un Mémorandum par Damad Férid Pacha vizir de l’Empire ottoman devant le Conseil suprême des alliées, la Turquie reconnaît uniquement un territoire arménien correspondant au traité de Batoum (11.000 km2). Essuyant un nouveau refus du Conseil suprême des alliées, la Turquie reconnaît le nouvel Etat arménien de la Cilicie à l’Artsakh, le 25 juin 1920.
Le 22 juillet 1920, sous la présidence du Sultan Vahidettin (Mehmed VI) est décidé l’adoption du Traité par le Conseil de souveraineté en date du 22 juillet 1920 qui a considéré » qu’il préférait avoir une faible existence que d’avoir une lourde perte « . Cette adoption se matérialise par un acte unique et ultime sous l’égide du Sultan, la signature du Traité de Sèvres.
Le 04 août 1920, les Arméniens de Cilicie déclarent leur indépendance.Le 10 août 1920 marque la signature du Traité de Paix International à Sèvres par les Puissances alliées et associées et par la Turquie. Quatre fois différée par suite du conflit, italo-grec, la signature du traité turc a lieu le 10 août, à 16 heures, dans le salon d’honneur de la manufacture de Sèvres. (Traité de Sèvres 433 articles + traités additionnels).

http://www.western-armenia.eu/archives-nationales/Traite/Traite_de_Sevres-fr-10_aout_1920.pdf
Le 10 août 1920, la Turquie et les États de Grande-Bretagne, de France, d’Italie, du Japon, de Belgique, de Grèce, de Pologne, du Portugal, de Roumanie, de Tchécoslovaquie et d’Arménie ont signé le traité de Sèvres.
http://www.western-armenia.eu/news/Actualite/2019/Pourquoi_le_Centenaire_du_Traite_de_Sevres.pdf
Le Traité international a également été ratifié par la Turquie, dans la mesure où le décret de signature du Sultan est un ordre impérial. (Conformément à la Constitution de l’Empire ottoman). Depuis, le Traité de Sèvres n’avait pas été ratifié par l’Arménie.
Un traité additionnel a également été signé au nom de l’Arménie avec les États alliés sur les
droits des minorités nationales, les relations diplomatiques et commerciales sur la base de
l’article 93 du Traité de Sèvres.
http://www.western-armenia.eu/archives-nationales/Traite/Traite-de-Sevres1.pdf
En termes de droit international, la République d’Arménie, à partir du territoire de l’Arménie Occidentale en tant que partie de jure au traité, est reconnue par tous les autres États signataires. Règle fondamentale : Par conséquent, le droit international public décide que lorsqu’un traité collectif est abrogé et remplacé par un autre, ce dernier ne sera pas opposable à l’Etat signataire du premier qui n’aura pas été partie au second. Pour cet Etat, le premier traité continue à avoir effet. En conséquence, l’Arménie, signataire du traité de Sèvres, mais écartée du traité de Lausanne, peut légitimement demander l’application des dispositions du traité de Sèvres. Sans entrer dans les détails du traité, nous notons seulement que la section sur l’Arménie comprend entre autres les articles 88 à 93. La Turquie reconnaît l’Arménie comme un État souverain, libre et indépendant. L’Arménie turque devenue la République d’Arménie accepte de laisser aux États-Unis le soin de délimiter la frontière entre les deux pays. Les frontières de la République d’Arménie avec la Géorgie et l’Azerbaïdjan seront déterminées par des négociations directes avec ces pays sur la base de l’article 92 du Traité de Sèvres.
En avril 1920, le Conseil suprême des puissances alliées, représentant la Grande-Bretagne,
la France, l’Italie et le Japon, décide de faire deux demandes au 28e président des États- Unis, Woodrow Wilson :
1) Accepter le mandat de protectorat sur l’Arménie,
2) Déterminer la frontière entre l’Arménie et la Turquie par arbitrage.
La première demande a été refusée par un vote du Sénat américain, La deuxième demande a été officiellement confirmée par une lettre du 27 avril 1920 du président du Conseil suprême des alliées, du premier ministre français et du ministre des affaires étrangères Millerand. Cette demande sous la forme de l’article 89 a été incluse dans le Traité de Sèvres – déjà au nom de l’Arménie, de la Turquie et aussi de près de vingt pays signataires – adressée au président des États-Unis, qui a rendu la sentence arbitrale. La
sentence arbitrale est définitive et doit être exécutée. Il n’a pas de limite de temps et son statut n’est pas affecté par le sort du verdict.
Quand bien même si le Traité de Sèvres n’a pas été ratifié par toutes les parties, comme par exemple la France, il a été appliqué par ces mêmes parties qui ne l’ont pas ratifié, par exemple la question des Mandats de protection des populations civiles de la part de la France en Cilicie, de la Grande-Bretagne, et de l’Italie qui n’ont pas été respectés.
http://www.western-armenia.eu/news/Actualite/2020/Apres_la_liberation_de_la_Cilicie-01.07.2020.pdf
http://www.western-armenia.eu/news/Actualite/2020/Apres_la_liberation_de_la_Cilicie-01.07.2020.pdf
Pour mieux comprendre le système de ratification des parties signataires du Traité de Sèvres, il est important d’étudier la Constitution nationale de chacun des Etats signataires y compris de l’Empire ottoman (Turquie). Par exemple, suite au Conseil de souveraineté du Sultan Mehmed VI en date du 22 juillet 1920, le Sultan ordonne la signature du Traité de Sèvres, ce qui équivaut sur la base de la Constitution ottomane à une ratification.
Les chiffres révélés sur les Réparations dans cette étude, ne prennent pas compte de l’ensemble de la période génocidaire, ainsi que des caractéristiques présentées à la Conférence de la Paix par Boghos Nubar en février 1919 à Paris.
http://www.western-armenia.eu/news/Actualite/2019/La_Question_Armenienne-1919-1920.pdf
Les Arméniens doivent exiger entre autres de la part des Etats signataires, la ratification du Traité de Sèvres.
Prétendre la non mise en vigueur du Traité de Sèvres ou son remplacement fait partie d’une politique négationniste liée au génocide du peuple arménien soit deux millions de victimes, à l’occupation territoriale illicite de l’Etat d’Arménie Occidentale, à la destruction de son patrimoine pluri- millénaire, à l’exploitation illicite de ses ressources génétiques et à la destruction de son environnement naturel ayant des conséquences graves anti-arménienne et évidemment anti-Arménie Occidentale.
Jamais un Traité de paix communément appelé Traité de Sèvres n’a fait l’objet d’une politique aussi agressive pour essayer de le remplacer, face aux populations concernées.
Pour pouvoir tenter de remplacer le Traité de Sèvres sans pouvoir le réviser, certains Etats et forces politiques ont organisé le Traité d’Alexandropol (2 décembre 1920), le Traité de Moscou (16 mars 1921), le Traité de Kars (20 octobre 1921), le Traité ou accord d’Angora (20 octobre 1921), le Traité de Lausanne (24 juillet 1923), l’accord avec l’organisation kurde Hoyboun (1927), la Résolution politique sur la Question arménienne du Parlement européen (18 juin 1987), la situation en Arménie soviétique (1988/1989), la première guerre en Artsakh, la destruction du cimetière de Jugha (14 décembre 2005) au Nakhitchevan, la seconde guerre en Artsakh, ayant comme conséquences, les prochains (futurs) accords entre l’Azerbaïdjan, la Turquie et la République d’Arménie (Orientale).
La seconde guerre en Artsakh qui s’est produite à partir du 27 septembre 2020, dans le but non-caché de nettoyage ethnique de la population arménienne d’Artsakh par l’Azerbaïdjan et la signature de l’accord du 9 novembre 2020, n’a qu’un but, contourner une nouvelle fois le Traité de Sèvres, avec pour objectif de signer un nouveau Traité de paix avec les autorités d’Erevan qui rejettent tout participations officielles dans le conflit entre les Arméniens d’Artsakh et l’Azerbaïdjan.
L‘existence même de facto d’une nouvelle Arménie (Erevan) à partir de l’Arménie soviétique (1921) suite au démantèlement de l’Etat arménien reconnu de 1920, sur la base de l’accord d’Alma-Ata (1991) prétendument défendu actuellement par la France, n’a aucune base juridique.
Tout ceci n’a pas suffit (ces accords n’étant pas juridiquement légitimes), et ne suffira pas pour remplacer le Traité de Sèvres et pour freiner les revendications de l’Arménie Occidentale et l’exequatur de la Sentence arbitrale du Président Woodrow Wilson.
QUELQUES RAPPELS SUR LE TRAITE DE LAUSANNE
CONSEQUENTS AU TRAITE DE VERSAILLES
Article 16. – La Turquie déclare renoncer à tous droits et titres, de quelque nature que ce soit, sur ou concernant, les territoires situés au-delà des frontières prévues par le présent Traité et sur les îles autres que celles sur lesquelles la souveraineté lui est reconnue par ledit Traité, le sort de ces territoires et îles étant réglé ou à régler par les intéressés. Les dispositions du présent Article ne portent pas atteinte aux stipulations particulières intervenues ou à intervenir entre la Turquie et les pays limitrophes en raison de leur voisinage.
Article 25. – La Turquie s’engage à reconnaître la pleine valeur des Traités de paix et Conventions additionnelles conclus par les autres Puissances contractantes avec les Puissances ayant combattu aux côtés de la Turquie, à agréer les dispositions qui ont été ou seront prises concernant les territoires de l’ancien Empire allemand, de l’Autriche, de la Hongrie et de la Bulgarie, et à reconnaître les nouveaux États dans les frontières ainsi fixées.
http://www.western-armenia.eu/news/Actualite/2019/Les_proces_des_criminels_turcs_et_le_traite_de_Versailles-05.02.2019.pdf
Article 434. – L’Allemagne s’engage à reconnaître la pleine valeur des traités de paix et conventions additionnelles qui seront conclus par les puissances alliées et associées, avec les puissances ayant combattu aux cotés de l’Allemagne, à agréer les dispositions qui seront prises concernant les territoires de l’ancienne monarchie d’Autriche-Hongrie, du royaume de Bulgarie et de l’Empire ottoman, et à reconnaître les nouveaux Etats dans les frontières qui leur seront ainsi fixées. Signé le 28 juin 1919, le Traité de Versailles a été ratifié par la 5 France à partir du 10 janvier 1920 soit neuf jour avant la reconnaissance de facto du gouvernement arménien. Par conséquent, le Traité de Sèvres a été ratifié par ’Arménie Occidentale le 24 juin 2016.
En respect des victimes du génocide perpétré contre la nation arménienne,
En respect de tous les engagements pris en direction de la nation arménienne pour l’application d’une justice réparatrice des crimes subis,
En respect des droits de l’homme, socle fondamental pour construire une Humanité dans le cadre de ses plus fortes valeurs,
Pour sauver l’Artsakh, il faut défendre le droit international sans restrictions.
Le 17 juillet 2023
Armenag APRAHAMIAN
Président du Conseil National d’Arménie Occidentale
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https://www.ohchr.org/sites/default/files/2022-06/conseil.nationa-armenie-occidental-EMRIP-seminar-treaties-EMRIP-seminar- treaties.docx
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http://www.western-armenia.eu/news/Actualite/2018/Armenia_and_Kurdistan-20.09.2017.pdf